Le Triple Joyau
Le Bouddha utilisa le terme « Saṅgha » a deux différents niveaux de sens : le Saṅgha conventionnel, qui désigne la communauté monastique, et le noble Saṅgha, qui désigne la communauté de ceux, laïques ou ordonnés, qui ont atteint au minimum leur première expérience du sans-mort.
Le Saṅgha conventionnel, même s’il est imparfait, est le vecteur principal des enseignements du Bouddha – le Dhamma – sur la voie vers le bonheur véritable. Le noble Saṅgha donne vie à ces enseignements en fournissant des exemples vivants de personnes ayant tiré le meilleur parti du Dhamma. C’est pour cette raison que le Saṅgha, dans les deux sens du terme, est, comme le Bouddha et le Dhamma, un exemple et une source primordiale de savoir sur la manière de trouver un bonheur fiable et inoffensif : un trésor inestimable pour le monde. C’est la raison pour laquelle le Bouddha, le Dhamma et le Saṅgha sont appelés le Triple Joyau. Ils sont aussi désignés comme les Trois Refuges, parce que l’exemple qu’ils fournissent est vraiment fiable.
Après 45 ans, le Bouddha considéra qu’il avait établi son Dhamma et Vinaya – le nom qu’il utilisait lui-même pour son enseignement – sur des bases solides. Chacun des quatre groupes dans son parisā contenait des personnes qui avaient au minimum atteint certains stades d’éveil, et pouvaient donc incarner le Dhamma et Vinaya dans leurs paroles et leurs actions. Il renonça donc à la volonté de vivre plus longtemps. Ce soir-là, il réunit les moines et les informa que son déliement total aurait lieu trois mois plus tard. Il synthétisa alors sa vie d’enseignements en sept ensembles de principes, qui devinrent par la suite connus comme les Ailes de l’Éveil (bodhi-pakkhiya-dhamma).
Nous avons déjà évoqué trois de ces ensembles :
• La noble octuple voie;
• Les quatre efforts justes (correspondant à l’effort juste); et
• Les quatre établissements de Sati (correspondant à Sati juste).
Les quatre autres sont :
• Les quatre bases du succès : la concentration basée sur le désir, la persévérance, la détermination, et la circonspection;
• Les cinq forces : la conviction dans l’éveil du Bouddha, la persévérance, Sati, la concentration et le discernement;
• Les cinq facultés : des versions plus fortes des cinq forces ci-dessus; et
• Les sept facteurs d’éveil : Sati, l’analyse des qualités de l’esprit, la persévérance, le ravissement, le calme, la concentration et l’équanimité.
Le Bouddha dit qu’aussi longtemps que les moines seraient consistants dans leur compréhension de ces principes et les mettraient en pratique, le Dhamma perdurerait.
Le matin de son déliement total, il souffrit de dysenterie mais continua néanmoins de marcher toute la journée jusqu’à atteindre une paire d’arbres fleurissant hors saison dans un parc à l’extérieur de la ville. Là, il s’allongea et donna ses dernières instructions. Il enseigna à un dernier disciple, et dit aux moines d’informer l’homme qui avait offert le repas ayant engendré la dysenterie de ne pas regretter ce don : ce repas est en fait l’un des dons de nourriture les plus méritoires que nul ne puisse faire.
Au lieu de désigner un successeur, le Bouddha dit aux moines qu’en son absence, ils devaient considérer le Dhamma qu’il enseigna et le Vinaya qu’il formula comme leurs maîtres. Il donna l’opportunité aux moines de lui poser des questions s’ils avaient encore des doutes concernant le Bouddha, le Dhamma, le Saṅgha, ou la voie de pratique. Comme personne ne posa de question, il prononça ses derniers mots : « Atteignez l’accomplissement par la vigilance. »
Comme dernière instruction à ceux qui pouvaient lire son esprit, il passa alors par tout le registre de ses accomplissements dans la concentration, dans l’ordre ascendant puis descendant, et enfin – après être retourné dans le quatrième jhāna et immédiatement en le quittant – il fut complètement délié.
La tradition établie par le Bouddha n’est plus une religion unique – ou, dans ses propres mots, un unique Dhamma et Vinaya. Le Bouddhisme est maintenant une famille de religions, à la manière des différentes formes de monothéisme dans l’Ouest. Bien que les différentes religions Bouddhistes centrent leurs enseignements sur le Bouddha, le Dhamma et le Saṅgha, le sens qu’ils donnent à ces trois refuges, ainsi que les textes expliquant ces sens, diffèrent d’une religion à l’autre.
Cette brève introduction est basée sur le Canon Pāli, le plus ancien recueil existant des enseignements du Bouddha, et le texte fondateur du Theravāda, Les Enseignements des Anciens. C’est la religion Bouddhiste courante en Thaïlande, Myanmar, Sri Lanka, Cambodge, et Laos. Bien sûr, le fait que le Canon Pāli soit le plus ancien recueil ne garantit pas qu’il soit exact. Cependant, le Canon dit lui-même que le véritable test d’un enseignement ne réside pas dans le fait qu’il se revendique d’une tradition, mais dans les résultats qu’il donne quand il est mis en pratique. Pour faire ce test correctement, quatre choses sont nécessaires :
• Fréquenter des personnes intègres;
• Écouter le véritable Dhamma;
• Appliquer une attention appropriée – c’est à dire, questionner le Dhamma par le spectre des quatre nobles vérités, pour voir comment son explication de la souffrance et de la fin de la souffrance peut être appliqué dans votre vie; et
• Pratiquer le Dhamma en accord avec le Dhamma – c’est à dire, pratiquer pour développer la dépassion envers la souffrance et ses causes.
Le Canon liste également huit qualités pour juger si un enseignement est le vrai Dhamma ou non : Si, quand il est mis en pratique il mène à la dépassion, à être désentravé, à la modestie, au contentement, au désenchevêtrement, à la persévérance, et à ne pas être un fardeau, alors c’est le véritable Dhamma. S’il mène à l’opposé de ces qualités, il ne l’est pas.
Les gens sont libres de faire ce test, ou non, c’est à eux de décider. Mais le fait de souffrir rend le test urgent.
C’est d’autant plus urgent que les enseignements du Dhamma ne seront pas disponibles pour toujours. En effet, comme cet entraînement nécessite d’apprendre au contact d’un maître, le Bouddha ne prit aucune disposition pour ressusciter le Saṅgha s’il venait à disparaître. C’est déjà le cas du Saṅgha Theravāda des nones qui mourut au treizième siècle, et que nous ne pouvons donc pas ressusciter. Un jour le Saṅgha des moines mourra lui aussi, et le Dhamma sera oublié jusqu’au prochain Bouddha, dans de nombreux millénaires.
Mais pour le moment les enseignements du Bouddha sont disponibles, offrant à la fois un refuge – un endroit de sécurité – et un défi.
Le refuge qu’ils offrent est la possibilité d’un bonheur véritable et fiable, ne nuisant à personne. Si vous suivez les enseignements, vous vous protégez des résultats des actions malhabiles que vous pourriez sinon entreprendre. À la place, vos actions vont atteindre un niveau de compétence menant à un bonheur dans lequel vous pouvez avoir confiance. La sécurité d’un tel bonheur, pour vous-même et pour les autres, est votre refuge.
Le défi à relever est de suivre la voie vers le bonheur véritable que le Bouddha ne peut que pointer du doigt. Les résultats que vous obtiendrez dépendront de l’effort que vous mettrez dans la maîtrise des compétences enseignées par le Bouddha. Plus vos actions sont habiles, plus fiable et inoffensif sera le bonheur qu’elles vous apporteront. Cela peut aller jusqu’à un bonheur totalement libre de condition, au-delà des dimensions du cosmos : un bonheur qui met totalement fin à la souffrance.
C’est à vous de décider si votre bonheur est suffisamment important pour tester ces affirmations, et si vous êtes disposé à vous entraîner dans les compétences requises pour faire de vous un juge fiable de ce test.