Les stades de l’éveil
S’éveiller au nibbāna se produit par stades. Le temps entre ces stades peut être de quelques instants ou se compter en vies entières, en fonction du discernement de chaque méditant.
En tout, il y en a 4 :
• Le premier stade est l’entrée dans le courant. Celui-ci est atteint quand l’esprit fait sa première expérience du sans-mort. On l’appelle de cette manière par analogie : ce stade d’éveil vous garantie d’atteindre inévitablement le déliement total en sept vies tout au plus; tout comme l’eau dans un courant s’écoulant vers l’océan finira inévitablement par l’atteindre. Entre-temps, si votre éveil total ne se produit pas dans cette vie présente, vous ne renaîtrez jamais plus bas que le niveau humain.
• Le second stade est l’unique-retour. Celui-ci garantie que vous ne reviendrez qu’une seule fois dans le monde humain et qu’alors vous atteindrez l’éveil total.
• Le troisième stade est le non-retour. Vous ne reviendrez jamais dans ce monde. A la place, vous renaîtrez dans un paradis très élevé, un ensemble de monde de brahmās appelé les Pures Demeures, et y gagnerez l’éveil total.
Ces trois stades ne vous permettent pas d’atteindre l’éveil total car l’esprit, en expérimentant le sans-mort, développe une passion pour celui-ci, ce qui cause un niveau subtil de devenir. C’est pourquoi le Bouddha recommande d’appliquer la perception du pas-soi, non seulement aux choses conditionnées comme les agrégats, mais aussi au sans-mort, afin d’empêcher l’esprit de développer de la passion pour celui-ci. Quand cette passion est coupée, la perception du pas-soi peut être abandonnée, et l’esprit atteint :
• Le quatrième stade d’éveil, Arahant. L’esprit est entièrement libéré de la naissance et de la mort – du processus du devenir.
Ces quatre stades n’ont pas les mêmes résultats parce qu’ils mettent fin à différents niveaux de souillure, appelés « entraves », qui lient l’esprit au processus de la naissance, de la mort et de l’errance. L’entrée dans le courant met fin aux entraves des opinions sur l’identité du soi, du doute, et de l’attachement aux habitudes et aux pratiques. L’unique-retour affaiblit la passion pour la sensualité, l’aversion, et l’illusion, mais ne permet pas de les abandonner. C’est au stade de non-retour que l’on met fin aux entraves de la passion sensuelle ainsi que de l’irritation. Lorsque l’on devient un Arahant, la passion pour la forme est détruite, ainsi que la passion pour le sans-forme – cela désigne la passion pour des niveaux de jhāna – l’agitation, l’orgueil et l’ignorance. Quand ces entraves sont éliminées, l’esprit a complété ses tâches en rapport avec les quatre nobles vérités et atteint la libération totale de l’errance vers de nouveaux devenirs.
Après son éveil, le Bouddha passa les 45 années restantes de sa vie à enseigner aux êtres humains et divins, hommes, femmes et même enfants, venant de tous les horizons, comment atteindre les différents stades d’éveil. Parmi ses premiers disciples il y avait des membres de sa propre famille, nombres desquels furent capable d’atteindre l’éveil après avoir écouté son enseignement.
Beaucoup des personnes à qui il enseigna, cependant, n’atteignirent pas l’éveil, soit parce qu’ils n’étaient pas prêts pour cela, ou parce que leurs responsabilités familiales ne leur laissaient que peu de temps pour pratiquer pleinement la voie. Pour ces individus, le Bouddha donna des instructions sur la manière de trouver un bonheur durable et bénéfique dans leur vie quotidienne. Par exemple, il leur recommanda d’être assidus dans leur travail, de prendre bien soin de leurs effets personnels, de fréquenter des amis admirables et de vivre en accord avec leurs ressources. Il les mit particulièrement en garde contre le fait de s’endetter.
Il enseigna également une voie de pratique pour favoriser un niveau d’intégrité qui, même s’il ne mène pas à l’éveil complet, prodigue des renaissances confortables dans le cycle de naissance et de mort, ainsi que des conditions propices à l’éveil dans les vies futures.
Une qualité fondamentale à l’intégrité est le respect pour les personnes dignes de respect : à savoir, ceux qui ont la conviction dans les principes du kamma, qui sont généreux, vertueux et sages. Si vous montrez du respect pour ce genre de personnes, elles seront plus disposées à vous enseigner de manière approfondie comment développer ces nobles qualités en vous-même. Quant à vous, vous êtes plus enclin à assimiler non seulement leurs paroles mais aussi l’exemple de leur comportement.
Une autre qualité liée à l’intégrité est la conviction dans l’éveil du Bouddha et dans l’enseignement du kamma et de la renaissance. Le Bouddha savait qu’il ne pourrait pas prouver son éveil aux autres. Ils pouvaient être impressionnés par les résultats extérieurs de son éveil – tels que sa sagesse, sa compassion et son aplomb face aux difficultés – mais aucune de ces qualités ne sont vraiment des preuves qu’il était éveillé.
C’est uniquement en suivant la noble octuple voie et en gouttant au premier stade d’éveil par eux-mêmes, qu’ils sauraient que son éveil est réel.
Ceci est également vrai pour les principes du kamma et de la renaissance : le Bouddha ne pouvait pas prouver aux autres qu’ils ont la liberté de choix, ou que les résultats de leurs choix se répercutent dans des vies futures. C’est uniquement avec la réalisation de l’entrée dans le courant, quand l’esprit sort de l’espace, du temps et des rouages des intentions, que les personnes savent que ces principes sont vrais.
Mais suivre une voie d’action signifie que vous êtes convaincu que vous avez une certaine liberté de choix. Faire des sacrifices maintenant pouvant résulter en un bonheur futur requiert que vous supposiez que les résultats des actions ne finissent pas avec la mort. Vous pouvez observer cela en regardant autour de vous. En effet, beaucoup de gens font le mal et pourtant ne semblent pas subir les conséquences de leurs actions dans cette vie. Enfin, vous fixer comme objectif d’essayer d’atteindre l’éveil, implique que vous supposiez que c’est possible par l’effort humain.
Toutes ces hypothèses sont une question de conviction. Notez que, cependant, cette conviction n’est pas une foi aveugle en des choses insaisissables. Elle fonctionne plutôt comme une hypothèse de travail qui, avec le temps, se confirme de plus en plus alors que vous la mettez en pratique.
Une troisième qualité liée à l’intégrité est la gratitude – en particulier pour vos parents. Même s’ils n’ont pas été pas les meilleurs parents, ils vous ont tout au moins donné l’opportunité de devenir un être humain. Si vous n’appréciez pas les efforts que cela leur a demandé, il est peu probable que vous soyez capable d’endurer les difficultés que certaines formes de bonté requièrent.
Des niveaux plus avancés dans le développement de l’intégrité impliquent des actes de puñña, généralement traduit par « mérite », mais cela peut également signifier « bonté ». Cette bonté inclue trois composants majeurs : la générosité, la vertu, et le développement d’une bienveillance universelle.